jeudi 28 février 2013

36. APOCALYPSE : NOW !


Curieux post que celui qui suit.

Voilà 5 mois que je n’ai pas posté sur mon blog. J’ai été assez occupé par un nombre relativement incalculable de problèmes, petits ou gros, comme tout le monde j’imagine, mais surtout j’essayais de gérer ma maladie, avec très peu de succès il faut bien l’avouer. Gérer ces p*tains de loopings chelou dans ma tête. Répondre tous les jours aux gens qui me demandent « comment ça va ? », que « ça va bien » (alors que non, pas du tout). Et se voir répondre « qu’est ce qu’il y a ENCORE ? » quand, par malheur, je dis que « ça va moyen ». Je sais bien que je fais chier le monde, faut pas être médium pour s’en rendre compte. Alors j’essaie de faire semblant, faire « comme si ».

Du coup, quitte à dire les choses, autant le faire dans les grandes largeurs. Ce post de reprise ne sera donc pas (tentativement) drôle, ni même tentativement joyeux (il n’est pas, soyez-en persuadé(e)s, volontairement glauque). Ces quelques lignes ont été compliquées à écrire, tellement compliquées que la plupart des phrases ne sont même pas de moi : j’ai dû mélanger mes mots avec ceux d’autres, ce que je ne fais JAMAIS. Je sais que beaucoup d’entre vous trouveront probablement ce post égocentrique, larmoyant et/ou misérabiliste (l’un n’empêchant pas l’autre bien sûr), voire chiant tout simplement. L’objectif, un peu égoïste certes, est pourtant juste d’essayer de « catharsiser » ma maladie par l’écriture. J’avais BESOIN d’écrire tout ça et de le partager. Parce que j’en ai un peu marre de pas réussir à expliquer les choses. En même temps, BONNE NOUVELLE pour vous, vous êtes pas forcés de lire, vous pouvez vous arrêter là !

Youpiyoup, here we go.

Ne nous voilons pas la face, les maladies mentales (ou psychiatriques), quelle qu’elles soient, sont plutôt « sales » dans l’imagerie populaire (c’est, j’imagine, le meilleur moyen pour les foules de penser qu’elles ne sont pas concernées). Et encore, quitte à être sales, il y a au moins des maladies que tout le monde connaît à peu près : la schizophrénie, la psychopathie… bah, non, moi j’ai reçu en héritage celle qui est toute pourrite, celle que tout le monde prend pour une fausse maladie et celle, last but not least, que le corps médical lui-même maîtrise comme un pied de porc, que ce soit dans le diagnostic ou dans le traitement : la bipolarité.

Je suis bien conscient de l’impossibilité du dialogue. Des limites de la conversation. Ma propre incapacité à communiquer sur ma maladie me décourage assez violemment. A quoi bon, de toutes façons si personne n’entend ou ne comprend ?

Le problème c’est que mon angoisse n’est pas existentielle, chic et cultivée. Elle n’est pas seyante ou intéressante. Elle rampe à quatre pattes et se tape la tête contre les murs. Des coups, des coups encore, jusqu’au sang. Mon angoisse est moche, elle est crade, il faut que je la cache. Elle ne me laisse même pas le luxe du désespoir raffiné propre aux dandys. C’est con, j’aurais adoré être un dandy (ou un poète maudit à la rigueur, je m’en serais contenté).

Alors, être bipolaire, c’est quoi ?

C’est être parfois deux à l’intérieur de soi :
- Celui qui agit sans se contrôler,
- Celui qui regarde et qui ne comprend pas, qui n’en n’a ni la force, ni la lucidité.
Et en même temps c’est être toujours tout seul, même entouré.

C’est partir très loin, inventer une histoire, des histoires, et sortir de votre réalité.
C’est être persuadé que c'est l'autre qui ne nous comprend jamais.
C’est alors crier, puis crier plus fort, devenir agressif et même parfois violent
Et puis, quelques instants plus tard, ne se souvenir de rien.

C’est, certains jours, s'enflammer, ne plus avoir de doute, ne plus avoir de peur.
C’est ressentir l'énergie faire bouillir tout son corps, ne plus la contrôler,
C’est être porté par un sentiment de toute puissance que rien ne peut modérer.
C'est ne pas supporter que les autres ne suivent pas.

C’est, le jour suivant, tomber dans le néant, comme ça, pour un rien, sans raison.
C'est repousser les gens, même les plus importants, ne plus vouloir sortir de chez soi.
C’est n’avoir plus aucune envie, sauf celle d’en finir.
Même si j’ai de bonnes raisons de me battre (mes filles pour ne citer qu’elles).
Mais ça n’est pas si simple et, dans ces cas-là, le désespoir se fait culpabilité.
C'est avoir honte de ne rien pouvoir faire.
C'est avoir honte qu'on nous dise tout le temps de « nous bouger », que « ce n’est rien ».
C’est des moments de colère, de dégoût, de fatigue, de doutes, et puis de désespoir encore.

C’est voir la vie qui passe et moi qui, à côté, n'en fais plus partie.
C'est ne plus supporter d'avoir mal, de souffrir, de ne plus se reconnaître.
C’est d'avoir une impression de double identité et parfois même, pire, d'être vraiment habité.
C’est de ne plus rien maîtriser, de me faire mal ou de faire mal à ceux que j’aime.

C’est lâcher le monde réel, le vôtre, et partir dans un autre que je ne connais pas.
C'est être en psychiatrie pour rester protégé et reposer les autres, ceux qui vivent avec moi.
Pour me cacher aussi, parce que j’ai honte de moi.
Parce que j’ai peur de sortir et d'affronter ce monde, le vôtre,
Me demandant sans cesse : en suis-je capable ou pas ?

C’est les médicaments aussi : c'est essayer, sans relâche, tant que ça ne marche pas.
Tant que l'on ne peut pas reprendre une vie sereine.
Et c'est subir, aussi, les effets secondaires liés au traitement : les tremblements, le flou, les pertes de mémoire, les insomnies.
Ces moments où, pour tenir debout, on est complètement drogué…

Et puis si un beau jour, à force d'essayer, un peu comme un miracle,
Je trouvais une forme de sérénité, alors à ce moment il faudrait que je me redécouvre
Et que j’accepte de vivre sans envolées, sans ces moments que j'adore, ces vagues de folie et ces pulsions créatives que je considère comme essentielles.
C'est complètement con et paradoxal.

Voilà donc : être bipolaire, ce n’est pas « juste » avoir des hauts et des bas, c’est une vraie maladie, pour laquelle on signe a priori à vie (malgré nous, va s’en dire). Ca n’est certainement pas la pire des maladies, mais sûrement pas la plus joyeuse non plus. C’est une maladie qui gangrène lentement mais sûrement la volonté, la capacité de jugement… et qui prive un peu inexorablement, jour après jour, d’un certain droit au bonheur. Tout ça caché dans ma tête, jour et nuit, sans aucun répit. Et pourtant je lutte, et je lutte encore, mais il y a certains jours où je souhaiterais juste rendre les armes et m’endormir tranquillement, et ne jamais me réveiller, parce qu’honnêtement, c’est fatigant à la longue.

C’est tout pour aujourd’hui les gens. (Paie ta non-transition de fin).

Merci à celles et ceux qui auront eu la patience de lire ce post jusqu’au bout.
Merci à celles et ceux qui, l’ayant lu, ne seront pas dans le jugement.

RDV demain pour un post un peu plus drôle (pas difficile)…
Enjoy your life les poulets, et surtout prenez soin de vous.
T.