samedi 19 mai 2012

13. Vive le légume !

Période : Janvier 2006
Situation sentimentale : 1 amoureuse et 1 fille à Paris, trèèèès amoureux.
Localisation géographique : Cambrousse morbihannaise (56).
Situation professionnelle : Juste le RMI pour vivre, quelques entretiens à droite à gauche.

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Bon ben c’était pas tout ça, mais il fallait quand même que je me penche tranquillement mais efficacement sur la recherche d’un job. Je m’étais laissé 6 mois pour refaire ma vie en Bretagne et le temps passait aussi rapidement que plusieurs générations de morpions sur le cul d’une vieille pute (ohhhhh la vilaine métaphore que voilà). Et puis mon amoureuse et ma fille me manquaient tout de même terriblement (on peut être aventurier, on n’en est pas moins homme).

Outre mes entretiens désespérants chez D’aucy (3 runs d’entretiens pour terminer deuxième – « le poulidor du recrutement » qu’on m’appellait dans les milieux autorisés), j’avais quand même (mine de rien) un autre entretien plus tard chez B*nduelle (chut chut pas de marque). J’étais à deux doigts de penser que ma destinée d’aventurier était liée de près ou de loin aux légumes. Jusque là, restons lucides, c’était plutôt de loin, mais bon, il se pourrait (GROS conditionnel) que ça se rapproche. Donc j’avais RDV à 18h chez B*nduelle. Ceux qui ont suivi mes aventures palpitantes depuis mon arrivée en Bretagne et/ou ceux qui me connaissent un minimum savent bien que je suis pas vraiment un king ni en orientation, ni en conduite de voiture. Alors, autant vous dire que je suis toujours très content lorsque je dois me rendre en territoire inconnu avec mon fier destrier (une AX 4x4, aberration génético-marketing que l’on doit à Citroên et dont je possède l’un des deux modèles produits en France – l’autre appartenant à EDF-GDF je crois).

Bref, me voilà en route vers ma nouvelle Terra Incognita bretonne (en plein Finistère Sud), ayant bien pris soin de prendre une très très grosse marge de manœuvre temporelle, histoire d’avoir le temps de me perdre trois fois dans une forêt mystérieuse et burinée, d’en sortir (trois fois, donc), d’anticiper des attaques éventuelles d’ours ou d’huîtres (je connaissais mal la topographie animale du Finistère Sud) et d’arriver quand même à l’heure à mon RDV. Bon, ben y fallait que j’arrête de me sous-estimer. Contre toutes attentes, je ne me suis pas perdu (même pas une fois) et je suis donc arrivé comme une fleur (et accessoirement comme un con) à 16h30. J’ai beaucoup aimé l’attente sous le crachin avec une température de –2°C pendant une heure. J’avais les doigts bleux et quand j’ai dit bonjour à mes 2 interlocuteurs, j’avais l’impression de leur serrer la main avec un moignon inerte. Mais bon, y z’ont été cool, y m’ont quand même reçu (la peur d’un procès pour discrimination anti-moigon inerte sans doute ?…) - et à 17h30 qui plus est, ce qui était plutôt sympa. De toute façon, s’ils avaient attendu 18h, y z’auraient retrouvé mon p’tit corps calciné, mort d’hypothermie (phénomène très rare, sorte d’hydrocution inversée mâtinée de combustion spontanée)…

Une fois n’est pas coutume, j’ai complètement foiré mon début d’entretien (option : je présente mes 6 ans d’expérience en 5 minutes / je sais jamais doser le niveau de détails) et donc on me demande de recommencer avec un niveau de détails micro-économique - ce que j’ai fait avec une joie de vivre sans cesse renouvelée. Pas si mal passé finalement je crois. A la fin, le DRH (qui est très actif dans le milieu universitaire local, notamment sur le thème « la nouvelle génération d’actifs ») m’a dit que j’étais « l’archétype de cette nouvelle génération, et que ça faisait de moi un mystère pour les gens comme lui de l’ancienne génération ». Il faut dire que mes moults changements de boîtes successifs, plus mon changement de vie aussi brusque que soudain (et sans doute aussi mon teint mystérieux et buriné) les ont beaucoup fait réfléchir. Bref, pas bien sûr que ça soit très positif cette petite phrase finale. Et moi, qui n’aspire dans la vie qu’à la recherche d’aspérités et de différenciation vs le reste du monde, me voilà catapulté « archétype de ma génération ». Bah putain, y m’aurait traité de gros enculé zoophile, pour moi c’était pareil (mais moins professionnel, certes)… Ceci dit, il avait une tête gentille.

L’autre personne, c‘était la Directrice Marketing. Très sympa aussi, et tout à fait en ligne avec ce que l’on est en droit d’attendre d’une Directrice Marketing. Style « je suis une femme qui a réussi et donc j’aime manger des morceaux de requin blanc tous les jours au petit déjeuner avec mes céréales light ». Physiquement, c’était un peu un mix entre Sophie Davant et la meuf qui présentait la circulation sur France 2 il y a quelques années (je sais plus son nom). Elle était sympa, quoique un peu tendue au début. Mais bon, après j’ai fait des p’tites blagues (avec du recul, pas bien sûr non plus que ça ait été une bonne idée ces blagues) et on s’est tous déridés ! Après on est allé aux putes ensemble, c’était vachement sympa. Et ça a déjà créé des liens au cas où j’intègrerais l’équipe un jour (on a beau dire, partager des putes ça crée toujours des liens - et quelquefois aussi des MST, mais alors là c'est beaucoup moins drôle tout de suite). Sinon le poste était top : Super intéressant et très bien pour mon CV si ça marchait. Réponse prévue sous une semaine, c’était cool, j’aurai pas à poireauter pendant 6 mois.

Ceci étant, comme à chaque fois, plus je réfléchissais et plus je me disais que j’avais tout foiré. Dans ce cas, à la fois ça serait chiant et à la fois ça m’éviterait de devoir recommencer une nouvelle vie dans le Finistère (il fallait absolument que j’arrête de recommencer une nouvelle vie tous les 6 mois, même si c’était bon pour l’écriture de ma légende personnelle). Mais bon, en vrai de vrai, je voulais vraiment que ça marche. [Il se trouve que l’entretien s’était effectivement bien passé et que j’ai reçu des nouvelles comme promis une semaine plus tard : j’avais désormais RDV avec un cabinet de recrutement pour faire des tonnes de tests – et ça tombait un vendredi 13, ô joie ! J’y reviendrai dans mes prochains posts].

Mais revenons à nos moutons : comme l’entretien avait duré deux heures trente (call me Marathon Man), et ben je suis sorti, il était donc 20h00. Mais c’était pas tout. Fatalement il faisait nuit. Il faisait aussi très très froid. Et aussi, sinon, il y avait du givre et du brouillard. J’étais très content. Mais comme la pression retombait, j’étais dans ma phase anesthésie quasi-générale. Ce qui explique probablement que j’ai raté un panneau clé sur le chemin et que je me sois donc retrouvé sur la nationale vers Brest (l’opposé de ma route). A moins que ça ne soit dû à ma nullité congénitale pour l’orientation. Bref, j’ai failli m’arrêter pour me laisser mourir sur le bas côté, mais je me suis repris grâce à un spot radio qui m’a bien fait rire et m’a donné envie de retrouver ma maison, même si je devais faire un détour de 450 km pour y arriver (c’est fou comme parfois l’envie de vivre tient à peu de chose). Le spot en question était pour Carrefour. Je dois dire que les spots radio pour la distribution sont toujours des grands moments de créativité et de qualité, mais alors là…

Ca disait :

**Petite musique d’ambiance**
Voix Off : « C’est la fêtes du porc chez Carrefour ! »
Consommateur lambda : « Moi, la fête du porc, j’adore ! ».
**Petite musique d’ambiance**

Bon, sorti de son contexte, forcément, c’est probablement pas à hurler de rire… Mais avec la musique qui va bien et la certitude que la fin de sa vie est proche, ça prend une toute autre ampleur, croyez-moi. Après j’ai bénéficié d’une baisse du brouillard, donc j’ai pu lire les panneaux et rentrer chez moi.

Sauf que comme j’avais beaucoup pris sur moi pour les trajets et pour l’entretien lui-même, je me suis dit que j’avais droit à un Mc Do. Je sais, c’est mal, normalement, j’ai pas le droit pasque c’est trop cher, mais bon, je me suis dit : « What’s the fuck after all ? ». La bonne idée. Je suis arrivé au Mc Do à 21h45. Il y avait 2 clients en salle (dont moi) + 1 client McDrive. Et genre 12 caissières. Et ben ces gourdasses ont quand même réussi à emmêler les trois commandes et donc elles arrêtaient pas de changer les sandwichs de sac et de crier dans tous les sens. Il y en a même une qui s’est écroulée en pleurs en disant « j’y arriverai jamais, j’y arriverai jamais ». Putain, bonjour la flèche. Alors j’ai essayé de lui faire un sourire genre « c’est pas grave connasse, je suis pas du tout en train de crever sur place tellement j’ai la dalle ». Mais je crois qu’elle a dû percevoir mon impatience et elle a pleuré deux fois plus fort. Je l’ai achevée à la hache (proprement, elle a pas souffert) et du coup tout le monde a repris son calme, y z’ont nettoyé la flaque de sang et se sont débarrassé des restes (je ne mangerai plus de hamburgers dans ce Mc Do pendant une semaine par sécurité) et nous avons tous eu notre commande (sans erreur). Un petit miracle.

Bref, je suis sorti de là à 22h15 avec des sandwichs froids. Y’a pas à chier, ça gâche un peu le plaisir.

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